tenzin tulku

Réincarnation

La réincarnation existe dans toutes les traditions du bouddhisme. A l’image de ses prédécesseurs religieux et philosophes, on dit que le Bouddha enseignait que la vie et la mort se répètent en cycles successifs pour tous les êtres qui ignorent la nature réelle du monde. Nous avons donc tous déjà eu de multiples vies avant celle-ci, et la plupart d’entre nous en vivrons encore beaucoup d’autres. Cela ne veut pas dire que nous avons toujours été humain, cependant, ou que nous le serons toujours dans nos prochaines vies. En effet, la condition humaine est considérée comme un type d’existence privilégiée qui ne survient que de façon extrêmement rare. A moins bien sûr que nous ne nous conduisions de sorte à mettre toutes les chances de notre côté pour pouvoir recevoir à nouveau une renaissance humaine.

Selon la cosmologie bouddhiste, le Samsāra, ou cycle des existences, est composé de six mondes différents (les enfers, les esprits avides, les animaux, les demi-dieux, les dieux et les humains). Les êtres, entrainés par leur karma, migrent continuellement d’un monde à l’autre. Nous naissons, nous vieillissons et nous mourrons à répétition, à chaque fois sous une forme et dans des circonstances différentes, mais toujours accompagnés d’un sentiment de regret et de souffrance. Notre errance répétée dans le Samsāra est principalement due à notre ignorance et à l’attachement qui s’ensuit. Nous agissons à travers ces éléments créant de nouvelles empreintes karmiques nous empêchant de nouveau de nous échapper de ce cycle de renaissances, qui semble alors sans fin.

La majorité d’entre nous migrent constamment à travers les six mondes, esclaves et créateurs inconscients de notre propre karma. Nous errons d’une existence à l’autre, entrainés dans les chemins que nous avons nous-mêmes crées (c’est quand même nous qui fabriquons notre propre karma), en creusant le lit de nouvelles souffrances pour nos vies à venir sans nous en rendre compte en accomplissant des actes qui nous enchaînent de plus belle à la roue des existences.

Il existe dans le Samsāra des êtres qui travaillent à obtenir la libération du cycle incessant de la naissance et de la mort, et à aider les autres à en faire autant. On appelle ces êtres des bodhisattvas, et ils sont la personnification même de la compassion. Dans la tradition du bouddhisme Mahāyāna on raconte que certains de ces êtres ont sacrifié leurs membres et même parfois leurs vies pour venir en aide aux autres. Il est dit aussi que certains bodhisattvas font le vœu suprême de NE PAS atteindre l’illumination avant que le dernier des êtres vivants n’ait été libéré des affres du cycle des existences. Par la force de ce vœu et la compassion qui le motive, ces bodhisattvas exceptionnels se réincarnent dans des situations qui leurs permettent de pouvoir aider au mieux les autres. On dit même que certains d’entre eux peuvent choisir la famille et même l’ère dans laquelle ils vont renaître afin d’avoir l’impact bénéfique le plus fort possible.

Dans la tradition tibétaine, ces incarnations sont appelés « Trulpa » (sprul pa), ce qui signifie « émanation », et font l’objet de la plus grande vénération. Peu à peu, cette notion de réincarnation intentionnelle a évolué vers la croyance que certains maîtres tibétains qui auraient atteint un niveau spirituel particulièrement élevé choisissaient, eux aussi, de se réincarner pour le bien des autres. Au 12e siècle, le second hiérarque Karmapa, Karma Pakshi (1204-1283), se proclama comme la réincarnation du premier Karmapa, Düsum Khyenpa (1110-1193), marquant le début d’une tradition qui est devenue l’un des principaux aspects emblématiques du bouddhisme tibétain : la tradition des Tulkou (sprul sku, littéralement « émanation physique »).

Historiquement, seuls des ressortissants de l’aire culturelle tibétaine (Tibet, Mongolie et Bhoutan) étaient reconnus comme des réincarnations. Mais au fil des années, et surtout depuis l’immigration massive des tibétains en Inde après 1959, on a commencé à reconnaître des enfants indiens et népalais comme Tulkous. Avec la propagation du bouddhisme et de la culture tibétaine en Europe et en Amérique du Nord, ce phénomène s’est étendu et des Tulkous sont désormais retrouvés dans ces pays aussi.

 

Pour plus d’informations sur la tradition des Tulkous, voici quelques sources :

Elijah Ary. “The Westernization of the Tulku Tradition” Chapitre dans Vanessa Sasson (ed.), Little Buddhas: Children in Buddhist Culture (New York: Oxford University Press), Sous Presse.

Daniel Bärlocher. Testimonies of Tibetan Tulkus: A Research Among Reincarnate Buddhist Masters in Exile. Zürich: Tibet-Institut, 1982

Mick Brown. The Dance of 17 Lives. London: Bloomsbury, 2004.

Dalai Lama Tenzin Gyatso. My Land and My People: the Official Autobiography of His Holiness the Dalai Lama of Tibet. New York, Boston: Grand Central Publishing, 1997.

Jamgön Kongtrul Lodrö Thayé. Enthronement: the recognition of the reincarnate masters of Tibet and the Himalayas. Ithaca, N.Y. : Snow Lion Publications, 1997.

Reginald Ray. “The Themes of a Tulku’s Life.” Vajradhatu Sun (August 1980): 7, 38-40.

Reginald Ray. Secret of the Vajra World : the tantric Buddhism of Tibet. Boston : Shambhala, 2002.

Lea Terhune. Karmapa: The Politics of Reincarnation. Boston: Wisdom Publications, 2004.

Leonard van der Kuijp. “The Dalai Lamas and the Origins of Reincarnate Lamas.” In Martin Brauen (ed.). The Dalai Lamas, a Visual History. Chicago: Serindia, 2005, 14-31.

Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.